Jean Michel MAUBERT est né en 1968 à Fontenay-sous-bois, dans le Val de Marne. Il enseigne la philosophie dans le Finistère. Ses premiers écrits sont marqués par la figure de Maurice Nadeau. Il est aussi l’auteur de nouvelles comme Dans l’œil du cheval ainsi que de fragments poétiques.
Desceller ce qui est resté si longtemps muet.
Fragmentation. Contrastes. Rupture. Dissonance. Lyrisme cassé.
Voix intérieure. Ecrire, dans la fidélité à ce quelque chose qui vibre et résonne en soi. Les mots, comme les matériaux d’une litanie enchevêtrée. Lisières. Du corps. De l’humain. Du langage. Lignes brisées de la temporalité. Se laisser traverser par ce qui blesse
Ainsi, en est-il de l’image de la soeur. Une revenance. Fragile floraison, vital fantôme en surimpression d’images. Une voix figurant des paysages en fragments. Lignes de failles. Eclats. Anamorphoses d’un passé toujours présent. Le visible en suspend, en vibration, avec dans la tête, un fracas d’images.
Telle est la présence poétique et testamentaire du recueil Les cérémonies fanées (Grand Prix de Poésie Joseph DELTEIL 2018, SOUFFLES / Les Ecrivains Méditerranéens), un recueil au cheminement disloqué, phénoménologique, où le poète tente de recueillir, dans les mots posés sur la page, les traces, les surgissements, les éclats, les franchissements de seuil, les vies perdues, effacées, broyées, inaudibles, l’agonie et les douleurs sans nom des vivants, souvent sans voix.
Gilles BINGISSER est né à Sète le 17 décembre 1959, où il vit et travaille. Tantôt poète-bibliothécaire, tantôt artiste plasticien enseignant aux Beaux-Arts, sur l’Île singulière, il est à l’origine de ce qu’il a nommé les PEEL (Pratiques Expérimentales d’Ecriture et de Lecture) : des modules de recherche articulant production littéraire et production plastique.
« Il fallut donc écrire autour de la disparition d’un chien, le mien. Autour parce que la périphérie était plus confortable que le cœur du problème, l’évoquer sans le nommer. J’ai récupéré mes carnets de notes à partir du moment où il était entré dans ma vie, il y en avait une bonne dizaine, et j’ai essayé de faire ce que je ne sais pas faire, écrire une histoire. »
C’est ainsi que le poète-plasticien, Gilles BINGISSER évoque la naissance du recueil Le chien de mom chien, primé par les éditions SOUFFLES / Les Ecrivains Méditerranéens en 2018.
… « Mais – nous dit encore Gilles BINGISSER – ce que transporte une histoire, échappe, du fait même qu’il s’agit d’une histoire, aux mises en catégories ordinaires de la pensée. Le I cannot make it cohere d’Ezra Pound évoque cette difficulté. L’histoire est un récit flexible, qui peut s’alentir ou s’accélérer, qui peut divaguer et même se perdre. Les évocations et résonances qui l’accompagnent sont innombrables et constamment changeantes. Ce qu’Italo Calvino appelait les systèmes combinatoires de récits… Si quelquefois des règles paraissent s’imposer à la narration, comme pour encadrer une forme connue et rassurante, elles éclatent vite ou bien se pétrifient. Alors, d’autres formes surgissent, glissantes, insaisissables, échappant aux définitions. Il n’en reste plus que LA POÉSIE. Se promener parmi les fragments, c’est en quelque sorte accepter l’année zéro, être parmi les décombres et chercher une forme de reconstitution narrative, au sens judiciaire, accumulations de mots prélevés, petites constructions, dessins, photos… Une poésie sérielle comme une forme ouverte. »
Une esthétique faite de fragments surgis tels des exercices de style pour chien, racés comme un long poème.
Maïté VILLACAMPA se consacre chair et âme à la poésie, à sa puissance, celle capable d’extraire les pulsations du vivant, celle capable de sonder la détresse du monde. Après des études d’arts plastiques, cette poète née en 1944 décide d’explorer le champ poétique des possibles. Le choc fondateur fut pour elle Du mouvement et de l’immobilité de Douve, fameux recueil d’Yves Bonnefoy, dont les eaux paradoxales lui ouvrent la voie à maintes présences en écho.
Que peut la poésie en temps de détresse ?
Tisser des ponts. Relier en guise de réponse ouverte. Et marcher. Ne jamais cesser de marcher. Si comme l’énonce Walter Benjamin dans Enfances, l’adulte peut « marcher », mais ne peut plus « apprendre à marcher », c’est bien à un périple d’éveil à la surface de la peau du monde, de notre monde, que le lecteur-flâneur est ici invité. Toutefois, son parcours est loin d’être un jeu d’enfant. Car cette peau est rugueuse. Et parfois se détache, ce qui était censé recouvrir et protéger nos corps
Or, près du toit du monde, proche du ciel, l’enfant gardien de son troupeau voit ruisseler d’autres lumières. Dans un murmure, et peut-être en souriant, il propose un nouvel apprentissage : la mort écoute avec la même évidence qu’avec le souffle. Alors, plus rien n’est séparé.
A l’origine du présent recueil, primé par les éditions SOUFFLES / Les Ecrivains Méditerranéens, en 2018, il y a un chant profond, le « cante jondo » de Maïté VILLACAMPA qui est chambre d’échos. Echo avec le « levain de l’inachevé » de Walter Benjamin. Echo aussi et surtout avec les vertiges du monde, un monde pris dans l’immense tourbillon, jusqu’à saturation. Maïté VILLACAMPA évoque l’élan de son énergie créatrice en ces termes : « Relisant alors le philosophe Walter Benjamin, il m’apparaissait que son dernier livre, Passages, écrit à Paris avant sa fuite vers l’Espagne, était la métaphore de toute sa vie. Et qu’à bien des égards, toute vie était une métaphore. Relire ainsi la mort du philosophe, ultime passage d’une frontière sans lendemain, la relier aux exilés d’aujourd’hui, à leur espoir fou, allait de soi. »